A quoi reconnaît-on
l’envieux ? Il souffre des perfections d’autrui. Il désire son argent, son
talent, sa réussite… « Pourquoi lui et pourquoi pas moi ? N’en suis-je
pas digne ? Ne mérité-je pas aussi de posséder tout cela ? »
Peut-être. Alors, au travail ! A mon tour de montrer que je suis capable
d’en faire autant (certainement mieux, d’ailleurs !). Mais l’envieux ne
fait rien. Il se dessèche sur place, meurt d’envie. Si tout est difficile, tout
s’acquiert au fur et à mesure. L’envieux préfère l’ignorer. Il désire sans
vouloir. N’obtenant rien, et pour cause, il accuse la malchance. Mais pour
favoriser la chance il faut commencer par se donner les moyens d’atteindre son
but. L’envieux voit le résultat, pas le chemin qui y conduit. Sa pensée est
abrégée. Si les envieux « pensaient aux moyens, observe Alain, ils
seraient depuis longtemps au travail ; ils avanceraient ; ils
jugeraient mieux de leurs rivaux ; ils n’en seraient point jaloux ».
L’envieux
sans estime pour l’autre n’en reçoit pas davantage : il attire le mépris.
Son malheur redouble. Il est victime d’un jugement erroné. Cela se rectifie. Le
plaisir ne vient jamais seul : il accompagne l’action. Courage et travail
effaceront bientôt son image de spectateur dégoûté, ruminant sa haine et son
triste destin.
Il
existe une saine émulation, une rivalité sans violence par laquelle nous
parvenons à dépasser nos aigreurs. Cherchons à admirer quelqu’un plutôt qu’à
l’envier. Mieux vaut le prendre en exemple qu’en faire un modèle. Ne pas
s’identifier à lui mais l’égaler en se distinguant. La bonne envie nous invite
à un joyeux combat. Elle stimule notre vaillance, notre désir de nous montrer
dignes face à un rival estimé. Pour les Grecs, il existe une bonne Éris, la
lutte, sœur d’Éros, l’amour.